LE CHEF DU VERT GALANT

Publié le par Luc de Goustine

Le chef du Vert Galant

« Où ai-je donc la tête ? » peut bien se demander nostre Henric en se retournant sur son nuage céleste… A moins que le roi facétieux n’ait résolu de nous monter… une gasconnade.

Notre ami Philippe Delorme, ici dans le rôle de « l’historien par qui le scandale n’arrivera pas », brosse à grands traits, puis dans tous ses détails, le panorama de l’affaire. On peut bien évoquer Ionesco. La question est vraiment : comment se débarrasser d’un fantasme ?

 D’abord, le peu d’histoire en cause. Apparue tardivement, en 1919, chez un collectionneur aussi fantasque qu’obsessionnel, une « relique au cuir tanné, au sourire édenté, passablement effrayant », achetée pour quelques francs aux héritiers de l’artiste-peintre Emma Nallet-Poussin, est aussitôt qualifiée par notre homme de « crâne d’Henri IV » et offerte au Président Doumergue, au Louvre, à Carnavalet. Comme ces officiels se dérobent, il finit sous une cloche au cœur du bric-à-brac que le nommé Bourdais entretient sur la butte Montmartre. A sa mort, sa sœur parvient à en tirer une misère d’un certain Bellanger qui à son tour la cède en janvier 2010 aux journalistes Stéphane Gabet et Pierre Belet.

Ces deux messieurs ont cru avoir rendez-vous avec l’Histoire, mais Philippe Delorme a de bonnes raisons de croire qu’elle leur à posé un lapin. Il recense cependant avec un soin d’apothicaire les tests auxquels l’objet fut soumis – radiologie, reconstitution faciale, toxicologie, datation, etc. – opérations qui s’avérèrent assez convaincantes aux yeux de leur auteur, le docteur Charlier, pour qu’il rallie à ses conclusions triomphales l’éminent biographe du Béarnais qu’est Jean-Pierre Babelon et divulgue la trouvaille à la télévision en décembre 2010 sous le haut patronage de don Luis Alfonso de Bourbon, cousin de Juan Carlos Ier d’Espagne et rejeton du Vert Galant. La nouvelle ranima dans l’opinion l’appétit éveillé par l’authentification, avérée celle-ci grâce à Philippe Delorme, du cœur du petit Louis XVII.

De peur que soudain les autorités républicaines ne se montrent aussi soucieuses de rendre leurs têtes à nos monarques qu’elles mirent de ferveur à les décoller en leur temps, il importait d’examiner les titres qu’auraient ce crâne à prendre pension dans la nécropole royale de Saint-Denis. Delorme en fait l’objet de ce formidable ouvrage - 215 pages de récit + 160 de notes et documents - qui forme une sorte d’encyclopédie historique de l’art et des coutumes, voire des destinées funéraires des têtes couronnées de France… et de Navarre.

Quant aux indices déterminants pour l’authenticité de la relique, le critère qui se dégage est dans le fait qu’en France, nos dépouilles royales furent quasiment toutes embaumées et à ce titre, leur crâne scié, vidé de leur cervelle, réunie aux entrailles ensevelies à part, et que celui d’Henri, garni d’une « étoupe enduite d’une liqueur extraite d’aromates répandait encore une odeur tellement forte, qu’il était presque impossible de la supporter » selon ce que rapporte Alexandre Lenoir, témoin de l’exhumation du corps du roi en 1793 (p. 98). La notation reflète assez l’atmosphère de l’exhumation sacrilège qui laissa, dit-on, le peuple pétrifié devant l’état de conservation et la majesté des restes du Béarnais :  devant le cercueil ouvert adossé contre un mur, il défila toute une journée, pénétré de crainte coupable mêlée d’admiration et de respect…

Or que dire du crâne ici prétendant au titre, alors qu’il n’a été ni scié, ni vidé, et ne comporte aucun indice d’embaumement ? Que c’est un assez beau spécimen de fantasme politique.

Il nous manque actuellement une tête, c’est évident.

Et si c’était celle de ce premier Bourbon, héroïque pacificateur d’une nation déchirée de querelles par les sectaires et les menées de l’étranger ? Et si c’était le portrait de l’homme d’état qui sut dompter les intégrismes tout en rendant au religieux l’hommage institutionnel dû à la tradition du royaume ? De celui qui fit renaître la prospérité intérieure et planta une France puissante au cœur des nations d’Europe ? Et si c’était ce profil d’aigle séducteur, d’esthète et de gourmand de bons mets, bons mots et dames, d’amoureux de parades joyeuses et de vie cavalière contre l’austérité chafouine des peine-à-jouir de Ligue et Parpaille ? Et s’il fallait réécrire une Satire Ménipée pour décrire à quel point nous manque le chef d’un vrai monarque ?

Autant de raisons pour ne pas se laisser payer la fausse tête d’Henri IV.

Luc de Goustine                           19/06/2013

Publié dans Royalisme

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